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Conseillé par Am Fred B.6 novembre 2021
Tendu comme un arc
43 ans après sa publication, et même si le monde de l'usine a bien changé, ce livre tendu comme un arc garde une force incroyable. Dès les premières pages, avec l'acuité ethnologique du regard de Robert Linhart, des images s'imposent : celle du film de Chaplin, "Les temps modernes", où l'ouvrier sur la chaîne court désespérément après le temps. Rien ne peut fonctionner dans ce monde où règne le mépris de classe, où les corps sont faits pour être exploités, où le temps n'est qu'argent. Monde étouffant.
Alors la camaraderie, l'action collective, l'humanité pour tout dire, sont l'air pur qui manque sacrément. Avec ces ouvriers spécialisés, ces manœuvres mus par un sens aigu de la dignité, on serre des paluches, on prépare fiévreusement la grève, on compte les pertes et les (petites) victoires. Ce sont les premières vagues de mai 68 qui viennent s'échouer ici : mais vague après vague, les digues s'effriteront peut-être?
Tout cela, cette corde tendue de septembre 68 à juillet 69 et qui résonne encore, c'est l'écriture honnête, juste, précise, empathique ... de Robert Linhart qui le suscite.
Frédéric